ACCS (Champion’s League): plus qu’une simple victoire, un tournant.

ACCS (Champion’s League): plus qu’une simple victoire, un tournant.

Décembre 2020. ACCS vient à bout de l’Etoile de Rouge de Belgrade. La première victoire du club dans la compétition la plus prestigieuse du futsal européen, l’UEFA Champion’s League. Mais surtout celle d’un futsal: celui issu des banlieues, du terroir. Une victoire pas simplement comptable. Bien plus que cela. Un véritable tournant décrypté par MadeinFutsal.

2015. Région de Grenoble. L’équipe d’ACCS (alors appelée ACCES) coachée par Mustapha Otmani et Mustapha Kourar, prépare sa pré-saison en Chartreuse, massif montagneux bien connu des locaux. En partenariat avec le club de Pont de Claix (alors en D2), le tout jeune club du tout jeune président Sellami remportera haut la main le Total Futsal 2015 organisé par le club local … nouveau club du joueur Mustapha Otmani, (que l’on ne présente plus). A l’époque, victoire du club d’ACCS 9 à 3 face à Aulnay, dans un tournoi regroupant Bagneux (D1), Picasso (D1), Lyon Footzik (D2) ou encore Pfastatt (D2), entre autres. La France du futsal ne le savait pas encore, mais ce club des Hauts-de-Seine, qui évoluera durant cette saison 2015-2016 dans la Poule A du championnat DHR d’Ile de France, allait marquer l’histoire du futsal hexagonal.

Otmani en août 2015, légende du futsal français, nouvelle recrue de PDC, entraineur d’ACCS … et grand Monsieur (source: PDC).

5 ans plus tard, et à la manière d’un grand écart à la Jean-Claude VanDamme dans Full Contact, le club d’ACCS sera allé trop vite, bien trop vite pour certains. Entre le simple étonnement, l’incompréhension, les soutiens de la première heure ou les attaques, force est de constater que le « club à l’emblème de lion » aura réussit à faire rugir le futsal français, dont les cris se seront (enfin) faits entendre au-delà des montagnes et des océans. Que l’on aime ou que l’on déteste, qu’il s’agisse de grand écart de plaisir pour certains ou de douleur pour d’autres, le club blanc et noir ne laisse désormais plus indifférent. A la bonheur. Le futsal français doit de toute façon aller de l’avant et susciter de l’intérêt. Il n’y a plus de temps à perdre. Tout le monde en conviendra.

5 ans après, ACCS accède à la Champion’s League en mode TGV

Le 25 Novembre 2020, pour marquer l’Histoire

En cette fin novembre, le club d’ACCS, évoluant désormais à la Teddy Riner Arena et tout juste auréolé de sa première place en championnat lors de la saison 2019-2020, reçevait le champion serbe de l’Etoile Rouge de Belgrade (champion de Serbie), pour « son » premier tour de l’UEFA Futsal Champion’s League. De 2015 à 2020, de l’eau avait en effet coulé sous les jambes du nouveau VanDamme du futsal français: une ascension fulgurante et frôlant l’insolence, de l’ambition, du spectacle, une communication percutante (qui heurte parfois), un recrutement XXL, et la venue de grands noms de la semelle sur lesquels personne n’aurait parié un kopek, force est de l’avouer (Otmani,Ramirez, Carot d’abord, puis Mesrar, Bakkali, Aksentijevic, Belhaj, Mouhouddine, Igor, N’Gala, Ricardinho, Ortiz, Coelho, Velasco ensuite).

Retransmis en direct sur la chaine Youtube du club, ACCS marquera au passage l’histoire en étant –« hasard » de l’horaire de programmation oblige – le premier club de la galaxie planétaire FIFA à observer une minute de silence pour le regretté El Pibe de Oro, Maradona, parti ce 25 novembre. Une simple coïncidence sans doute, mais c’est aussi le plus grand Golden Boy de la planète futsal, portugais cette fois-ci, tout affublé de son numéro 10, qui participerait aussi à cette soirée devenue soirée de légende pour le club du président Sellami.

Une arena vide pour une pleine victoire technique, à la hauteur des attentes

Ce 25 novembre donc. En pleine période de Covid, synonyme de tribune vide, restrictions sanitaires obligent. Le sport ne tue pas, il revivifie. « Ils » auraient dû le savoir. Rageant. En l’absence de public, l’occasion était toute trouvée pour ACCS d’offrir enfin aux futsaleurs de France une retranmission de matchs à la hauteur des espérances. Tout fiers de pouvoir se connecter à l’appli Youtube sur leurs télés grand format, les fans (confinés) auront su apprécier l’illusion d’une soirée de Ligue des Champions sur herbe, tels qu’avec des médias main-streams affolés par le dernier gri-gri d’un Ronaldo ou Messi. Sauf que ces mass médias, qui auront fait le minimum syndical à n’envoyer –peut-être– que quelques photographes (histoire de dire), auront été honteusement absents. ACCS aura couvert cette rencontre tant attendue seule, toute seule, avec ses propres moyens et sa soif d’innover toujours plus. Restons objectifs: ce club a du mérite.

La retransmission de ce match aura été à la hauteur des attentes, comme une leçon de professionalisme: commentaires parfaitement maîtrisés, multi-cam et zoom terrain au rendez-vous, pas de hachure de son, qualité d’image très appréciable -quelques soient les supports- et interviews d’après-match. La prochaine étape, pour ACCS comme pour l’ensemble des autres clubs de l’élite du futsal, sera de faire de ce « futsal français des clubs » un produit bankable, et pas seulement du seul militantisme (il en faut aussi n’est-ce pas?). Vaste sujet. MadeinFutsal y reviendra à l’avenir.

Sur le terrain, une victoire comptable

Ce soir du 25 novembre, et pour sa première participation dans la compétition, ACCS s’imposera au final 7 à 3 face à de valeureux serbes. Aisance technique en attaque, combinaisons et rotations parfaitement maîtrisées, même si le rodage qui s’imposait allait irrémédiablement provoquer du déchet, et parfois même de la fébrilité en défense, surtout en début de match. Mais le spectacle fut au rendez-vous et des milliers de personnes connectées purent assister à un festival de but et à un match maîtrisé. Victoire logique pour un match historique: un club français accèdera bien au tour suivant de l’UEFA Champion’s League prévu en janvier 2020. Un club français qui gagne nettement. Une victoire qui marquera sans nul doute les espritsy compris des « plus grands d’Europe » -; la rencontre du jeune ACCS étant sans doute celle la plus aboutie parmi les 15 nouveaux clubs européens qui auront fait leur début dans la compétition phare du futsal continental. Le futsal français, s’il n’a jamais été ridicule, est à présent craint sur les parquets d’Europe. Un virage à 180° degrés. Un changement violent (mais appréciable) de paradigme.

Lutin et Coelho (source: ACCS)

Mais aussi une victoire symbolique

Nos cités ont du talent. Pas besoin de concours ou de remise de prix en grande pompe chaque année dans des ministères pour le savoir. ACCS n’a pas renié cet héritage, tout comme d’autres d’ailleurs, et en a fait une force pour avancer. Derrière les paillettes, nécessaires accessoirement pour que notre futsal évolue, le club n’en a pas pour autant oublié d’où il venait, comme le prouve la mention « Asnières Villeneuve 92« , fièrement toujours présent sur son blason. En ce sens, ACCS est le digne héritier de clubs tels que Roubaix, Garges, Toulon ou encore le KB UNITED, montrant à la France que ce futsal qui gagne est d’abord aussi celui qui est issu de sa diversité et de ses quartiers. Ces quartiers « au banc de la Cité » mais surtout au centre du développement du futsal national… Une Histoire qu’il ne faudra jamais oublier et qui devra pour toujours être contée.

ACCS l’a encore prouvé hier soir de manière magistrale, en accompagnement d’un but de Bruno Coelho, la star portugaise: un triplé du désormais grand Nelson LUTIN, un doublé d’Abdessamad MOHAMMED, un pion enfilé par Sid BELHAJ, tous issus de la diversité et français, formés dans des clubs français de banlieue. Force est de l’avouer aussi, la lumière ne vient plus de « l’importation » de mercenaires étrangers vieillissants et sur le déclin, venus chanter le chant du cygne sous nos latitudes. Mais elle vient désormais de joueurs français « issus du terroir » et en plein devenir, accompagnés de valeurs sûres et confirmées du futsal mondial (Ortiz, Coelho, Ricardinho, Mesrar, Aksentijevic et consorts régulièrement appelés dans leur sélection nationale, pour ne citer qu’eux). Un virage, encore une fois, à 180° degrés. Un autre changement violent (mais encore plus appréciable) de paradigme. Ce 25 novembre, date d’un futsal français qui gagne … vraiment. Enfin.

Sid-Ahmed BELHAJ, buteur franco-français, formé en France, et qui joue en Equipe de France (source: ACCS)

Cette soirée est au final riche d’enseignements, si l’on y regarde de plus près et que l’on dépasse le stade du résultat au tableau d’affichage : un club issu d’un quartier qui innove, une stratégie au final payante, une jeune et riche histoire, une promotion du futsal techniquement réussie. Que l’on aime ou pas, qui n’aura pas apprécié le spectacle d’hier soir, véritable tournant pour notre discipline ? Après tout, n’est-ce pas pour l’instant l’essentiel ?

En cela, ACCS a bien gagné « sa » victoire en Ligue des Champions, entrainant dans son sillon celle de l’ensemble du futsal français, et notamment celui des clubs: celle d’une victoire patiemment pensée et élaborée. Celle d’un grand écart à la VanDamme à faire taire le plus connu des refrains des Inconnus: « la banlieue ça peut être rose, ce n’est pas que morose. Ils se sont pris en main. C’était leur destin« .

Crédits photos: ACCS / B.GUIGOU