Dguig (Maroc): « Cette CAN a une saveur particulière »
Made In Futsal s’est entretenu avec Hicham DGUIG, sélectionneur des Lions de l’Atlas version futsal, qui a remporté le 7 février dernier la finale de la Coupe d’Afrique des Nations à Laayoune.
Made In Futsal: Monsieur Le Sélectionneur. Bonjour. Un grand merci de nous accorder cet interview. Le Maroc a remporté ce 7 février sa Coupe d’Afrique, en venant à bout de l’Egypte sur un score de 5 à 0. Nous attendions un peu avant de vous interviewer: 3 semaines après, avez-vous enfin réalisé cet exploit ? Quels sont vos sentiments après cette magnifique victoire ?
H.Dguig: Salam alikoum. Nous sommes très contents, surtout que la CAN a été organisée et remportée sur notre territoire, à Laayoune, ville que nous apprécions beaucoup. Pour nous, nous avons travaillé dur, depuis plus de 3 ans, pour préparer cette CAN. Nous voulions confirmer d’abord notre précédent résultat en Afrique du Sud et nous voulions aussi satisfaire notre public, la FRMF nous a permis d’avoir toutes les bonnes conditions de travail (stages, matchs amicaux). Sans parler du complexe de préparation Mohamed VI, parmi les meilleurs centres de préparation sportif du monde. Nous avons d’ailleurs un terrain couvert avec des normes magnifiques. Nous devions l’emporter.
Question: Après six éditions de cette Coupe d’Afrique, les pays ayant remporté cette compétition sont au nombre de trois. Le Maroc l’emporte une seconde fois. Quelle saveur particulière a ce deuxième sacre, et, qui plus est, à Laayoune?
H.Dguig: Il faut savoir que les dernières éditions remportées l’ont été par des pays sur leurs terres (2 fois par l’Egypte en Egypte). Notre seule victoire étant en terrain neutre. Cette deuxième CAN a une saveur particulière sur nos terres. Cela nous a fait énormément plaisir, avec surtout la responsabilité de promouvoir ce sport, de convaincre les responsables que le futsal est un sport très aimé par les sportifs et le public marocain. Tant mieux, car cela va améliorer la facilité de l’obtention de salles d’entrainement et des subventions par les clubs pour disputer le championnat national.
Le mérite revient au Président de la Fédération Royale Marocaine de Football et son comité car il nous a réellement donné tous les moyens malgré le fait que le futsal n’a pas une place prépondérante dans les hiérarchie des sports mondiaux, ainsi qu’à la FIFA. Je suis moi-même instructeur FIFA et connaît assez bien la pyramide d’importance. Je peux confirmer que le futsal arrive en dernière place après le football, le football jeunes, les féminines ; le futsal arrivant à la fin avec le beach-soccer. Malgré cela, le Président de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF) accordé beaucoup d’intérêt au futsal. Le résultat est là. Nous sommes champions d’Afrique et nous irons à la Coupe du Monde pour la 3ème fois consécutive.
Question: Comment s’est passé votre préparation pour cette CAN ? Quels auront été les mots d’ordre et les secrets de votre préparation mentale pour que votre groupe aille jusqu’au bout et gagner cette CAN ?
H.Dguig: En termes de préparation, celle-ci à été à la fois technique, physique, tactique et mentale. La préparation mentale aura connu son maximum au cours de la CAN, car, comme vous le saviez, nous avions la pression de jouer chez nous et si vous le remarquez aussi, la plupart des équipes ratent leurs coupes quand elles l’organisent à domicile. C’est notamment le cas pour les coupes du monde de football, les coupes d’Europe, les Coupes d’Afrique mais aussi en futsal. Dans toutes les disciplines il y a généralement ce souci avec les pays organisateurs. C’est surtout cette pression que connaissent les joueurs et le staff devant leur public que j’ai qualifié de premier adversaire.
J’ai donc cherché comment absorber ce problème, calmer cette atmosphère et solutionner la manière de gérer les solutions délicates lors des matchs . Nous y sommes arrivés, et nous nous sommes libérés totalement, tels que le montrent les 20 buts marqués (et 1 encaissé) lors de la compétition. La préparation mentale a été très très importante, même si la préparation technique, tactique et physique étaient au coeur de nos préoccupations .
A dire vrai, nous nous attendions à jouer la finale face à l’Egypte ; une équipe qui a jouée 6 fois la Coupe du Monde et remporté 3 fois la Coupe d’Afrique. Connaissant plutôt bien le futsal en Afrique et réalisant des formations FIFA, l’équipe d’Egypte était supervisée et analysée minutieusement, connaissant assez bien leurs mouvements de joueurs, leurs forces et faiblesses, leurs blessés : c’est la raison pour laquelle j’ai trouvé la finale plutôt aisée pour nous. Elle a été beaucoup moins dure que les autres matchs, car nous avions parfaitement préparé cette finale, heureusement bien entamée par notre équipe d’ailleurs, puis parfaitement maîtrisée tout au long de la partie.
Question: Votre sélection se composant principalement de joueurs évoluant en Botola, comment se sont adaptés les joueurs de l’étranger, et êtes-vous en particulier satisfait du rendement de Mesrar et Bakkali (Accs Paris) et de Hamza (Palma) ?
Mesrar et Bakkali étaient déjà en sélection nationale avant de rejoindre le championnat français, il n’y a donc eu aucun souci d’intégration. Mesrar est en équipe nationale depuis 2012 et Billel Bakkali en 2015. Les nouveaux venus ont surtout été Anas (Lynx Latina en Italie) et Hamza (de Palma).
C’est surtout eux qui ont eu des problèmes d’adaptation, notamment Hamza Maimoun, car c’était la première fois qu’il participait. Le championnat d’Espagne, comme vous le savez, est un championnat très intéressant et de très haut-niveau, mais il a pourtant eu quelques difficultés à s’adapter avec les joueurs. N’empêche que ce joueur est excellent. Concernant Anas évoluant dans le championnat italien, il n’y a pas eu de souci, car il était convoqué tout jeune, depuis 2016, devant aujourd’hui l’un des piliers de l’équipe nationale, au même titre de Soufyane Mesrar et Billel Bakkali, « malgré leur jeune âge ».
Question: Quelle est l’équipe qui vous aura le plus impressionné durant cette CAN ? Si le Maroc et l’Egypte iront à la Coupe du Monde, qu’avez-vous à dire à propos des Palencas Negras d’Angola, qui sont venus à bout de la Libye pour la 3ème place, et que vous aviez gagné en demis ?
Qu’il s’agisse du Maroc, l’Egypte ou l’Angola, les 3 pays étant méritants. Le niveau du Maroc et ainsi que celui de l’Egypte n’est pas tellement à discuter, l’Egypte étant une forte nation du futsal africain, qui a l’habitude d’être à la CAN et qui est tout de même arrivée en quarts de finales de la Coupe du Monde en Colombie.
S’agissant de l’Angola, leur qualification est amplement méritée au vu de cette CAN, l’Angola ayant des joueurs très talentueux. Leurs 10 et 11 peuvent facilement jouer dans des championnats européens, leurs qualités techniques individuelles ayant surtout fait la différence. Ils devront parfaire et préparer leur condition physique et les schémas tactiques. A mon sens, les mois à venir avant la Coupe du Monde pourront faire l’affaire.
Question: Vous étiez en Croatie, du 2 au 8 mars, pour préparer la prochaine Coupe du Monde. Hormis la Croatie, connaissez-vous vos autres adversaires (Etats-Unis, Bulgarie, Moldavie)? Quel a été l’objectif de la sélection marocaine dans ce tournoi ?
L’objectif de ce tournoi en Croatie était très simple : c’est la première fois qu’on joue un tournoi en Europe. Je voulais commencer à jouer des équipes d’un niveau acceptable, des équipes en voie de développement et pratiquant des futsals différents, et qui ont un désir ardent de progresser. Ce tournoi avait également l’objectif de donner du temps de jeu et d’incorporer 5 nouveaux joueurs appelés en sélection nationale, afin de leur donner de l’expérience. Ce tournoi en Croatie correspondait également au calendrier officiels des matchs internationaux FIFA, nous permettant aussi de gagner des points et d’améliorer ainsi notre classement FIFA. (ndlr: le Maroc a remporté ce tournoi)
Ce classement FIFA est d’ailleurs très important dans le cadre du tirage au sort pour la Coupe du Monde. Malheureusement,en 2012, nous étions avec l’Iran et l’Espagne. La même chose en 2016. Tout cela car nous étions très mal classés au ranking FIFA. Le Maroc n’étant malheureusement que dans le 4ème chapeau. C’est la raison pour laquelle nous essayons de gagner quelques points, afin d’essayer d’être dans le 3ème ou 2ème chapeau, pour essayer de décrocher notre première victoire en Coupe du Monde, voir même espérer aller plus loin.
Question: Le Maroc ira en Lituanie avec l’étiquette de champion d’Afrique et sera très attendu. Quels sont les objectifs des Lions de l’Atlas dans cette coupe du monde ?
L’objectif est de faire bonne figure comme les 2 dernières coupes du monde. Nous avons les moyens et les qualités technico-tactiques pour aller au 2ème tour de la Coupe du Monde en Lituanie. Avec un tirage équilibré, le Maroc peut aller loin. L’objectif est de faire mieux que les 2 dernières fois.
Question: Suivez-vous en particulier le championnat de France de futsal ? Y’a t-il, hormis Bakkali et El Mesrar, des MRE éventuellement susceptibles de vous intéresser dans les prochains mois pour intégrer les Lions de l’Atlas ?
C’est un championnat intéressant malgré le fait qu’il y ait quelques écarts. Des écarts qui sont larges. Il y a quelques équipes qui jouent un futsal de très haut niveau, certaines plutôt d’un niveau moyen. Des écarts et des décalages qu’il faudra résoudre. Ces écarts entre les équipes ne permettent pas de révéler ou de nous montrer d’autres bons joueurs qui jouent peut-être dans l’ombre, mais soyez assurés que je cherche encore de bons joueurs. La porte de la sélection nationale est toujours ouverte. La France a fait dernièrement beaucoup de progrès en futsal.
Malheureusement, l’Equipe de France est tombée dans un groupe très difficile lors des éliminatoires de la Coupe du Monde, mais la France est devenu au moins une équipe respectable en Europe. Ils ont faire une bonne participation en 2018 (ndlr en Slovénie) mais il faut maintenant penser à la relève de ces joueurs et essayer d’élever la compétition dans le championnat.
C’est la même chose que j’ai fait au Maroc où il y avait beaucoup trop d’écarts dans le championnat, avec 3-4 équipes qui dominent le championnat et qui gagnent avec des scores fleuves. Avec tout le travail fait dans le royaume, et notamment en termes de formation des entraineurs, il est maintenant impossible de pronostiquer qui sera le vainqueur du championnat, où le dernier pourrait très bien l’emporter. C’est en cela que je vois les progrès à accomplir par le championnat français.
Question: Avez-vous un mot particulier à adresser aux fans marocains établis en France, qui vous suivent toute l’année et qui ont été très fiers de la victoire de leur pays à la CAN ?
Je remercie le public marocain, ainsi que toutes les personnes en France qui nous ont suivi. Pour en revenir à la sélection de marocains établis à l’étranger et notamment en France, la porte de la sélection est grandement ouverte et je reste ouvert à toute communication avec eux.