Tobias, légende éternelle du futsal
Biberonnés à Youtube et aux news au jour le jour, il est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent (peut-être) pas connaître : celle d’une légende du futsal mondial qui a pris sa retraite il y a 13 ans déjà. Une totale dévotion à ce futsal dont il aura écrit les lettres d’or et définit la beauté, tout de jaune vêtu avec la tunique auriverde. MadeinFutsal a souhaité vous compter l’histoire de cette icône du futsal mondial : Manoel Tobias.
Maillot de futsal légendaire 5 au dos, Manoel Tobias a laissé un souvenir impérissable aux fans de futsal des années 90. Cette virtuosité hors du commun, sa puissance de frappe aux cages et ses passes millimétrées ! Sans doute l’un des plus grands joueurs de tous les temps, avant les compilations de buts de Falcao et autres gris-gris de Ricardinho, ultra médiatisés par les différentes plateformes de partage vidéo. Aimer le futsal, ce sera nécessairement, pour les plus jeunes, se plonger dans l’histoire de la discipline et enfin connaître ce nom : Tobias.
L’éternel numéro 5 aura remporté à deux reprises la Coupe du Monde (1992 et 1996), fut désigné à deux reprises meilleur buteur de la compétition, et aura été élu 3 fois meilleur joueur mondial. Rien que cela. Avec le Brésil, Tobias remportera 4 titres continentaux, dont la Copa America en 1996 et 1997.
Manoel vient de Salgueiro, dans le Pernambuc, au nord-est du Brésil, ville de 60 000 habitants dans l’une des régions connues pour ne pas être la plus riche du Brésil. Un joueur riche de son palmarès et de son parcours, éternellement ancré dans la mémoire de ceux qui se souviennent. De son enfance, ce fils de directeur d’école et d’une enseignante, issu d’une fratrie de 9 enfants, déclarera dans le journal le plus important du Pernambouc (Folha de Pernambuco) avoir eu « une enfance heureuse et une bonne éducation. Je m’amusais dans la rue, c’était une vie paisible ».
C’est en 1984 que le futsal et Tobias se rencontrèrent. A l’âge de 13 ans, c’est à l’école que Manoel découvrit réellement cette discipline. Après que sa famille ait déménagée dans la ville de Cordeiro, dans la province de Recife, le petit Manoel intégra rapidement l’équipe de l’école publique Barros Carvalho avec laquelle il deviendra très vite vice-champion du Pernambouc. De cette époque, Tobias n’oubliera pas toute l’importance de son enseignant, Dica, son professeur d’éducation physique, qui aura réussi à l’attirer dans cette passion du futsal. Toute l’importance du futsal scolaire… Manoel Tobias excellera rapidement dans les championnats jeunes. À 16 ans, Tobias était surclassé en séniors. En 1988, alors qu’il représentait l’État du Pernambouc aux championnats nationaux, il fut embauché pour jouer au Clube Candelas, à Curitiba ; équipe avec laquelle il débuta véritablement sa carrière sénior en 1990. C’est peu avant ses 20 ans qu’il découvrira la joie d’une sélection nationale ; lui, l’homme aux plus de 300 sélections et plus de 270 buts …
Manoel Tobias détient aujourd’hui encore le record de buts en LNF en une seule édition, celle de 1999, alors qu’il évoluait à l’Atletico Mineiro, club avec lequel il devient champion cette saison. A ce propos, la légende déclarait que «détenir un record de buts dans une ligue nationale aussi compétitive, où vous avez de grands talents est un privilège. Cette édition 99 a été très difficile. A l’Atletico, nous avions une équipe très forte, mais nous n’étions que l’un des favoris pour le titre. Marquer 52 buts en une seule édition était magique. J’ai toujours été conscient du symbole de cette réalisation, même si le titre était plus important. Partout où je suis allé, j’ai pu être le meilleur buteur, et nous parlons encore de cela, 21 ans après. C’était cool de réaliser cela dans une compétition avec de grandes équipes ».
Celui qui aura connu pas moins de 12 clubs* remportera 4 titres de champions brésiliens entre 1991 et 1995, une Copa America (1993) et deux titres mondiaux (1995,2001). Le joueur, aujourd’hui âgé de 49 ans, a pris sa retraite en 2007.
La légende partagera quelques matchs en sélection avec une autre légende –Falcao -, même si Tobias ne le considère pas comme le meilleur partenaire qu’il aura eu sur le parquet, lui préférant ses coéquipoers Fininho et Iacovino.
Tout comme Falcao, Tobias s’essaya également au football en herbe. A la fin de 1995, alors qu’il était dans le club d’Enxuta, le celèbre Luiz Felipe Scolari (qu’on ne présente plus) l’invita à intégrer le Gremio de Porte Alegre qui le surveillait depuis un moment. Le club d’un futur célèbre petit garçon qui fut arbitre futsal et commença par le futsal AMF : Ronaldinho… Tobias, déjà considéré comme le meilleur joueur de futsal du monde à l’époque, prenait le risque de sortir de sa zone de « confort ». Alors qu’il ne voulait pas forcément jouer sur herbe, c’est bien Scolari qui réussit à attirer le jeune Tobias. Après quatre mois et malgré avoir pris part à plusieurs victoires de son équipe, le résultat n’est pas au rendez-vous. Tobias filera rapidement à l’Inter, club avec lequel il deviendra champion.
Toujours dans le Folha de Pernambuco, Tobias revient sur cette époque : « Sans que je le sache, j’étais surveillé par Gremio pour jouer sur herbe.(…) Je ne voulais pas quitter mon poste. Mais, après 10 ou 15 jours de vacances, alors que je pensais à ce que j’allais faire, Scolari m’a appelé pour me dire qu’il voulait que j’aille à Gremio et m’a fait changer de décision. J’ai demandé une somme, je pensais qu’ils ne l’accepteraient pas, mais ils l’ont tout de suite acceptée. Je suis allé avec la conscience que ce serait difficile. J’ai passé quatre mois à Gremio, j’y ai joué des matchs amicaux, participé à trois matchs officiels et marqué un but. J’ai eu des difficultés, des douleurs au genou dues au changement de sol. Après cela, Internacional est venu vers moi, a fait la même proposition que Grêmio, mais pour jouer au futsal, et je n’y ai pas réfléchi à deux fois. J’ai été meilleur buteur et champion de la LNF avec l’Inter, champion du monde avec l’équipe nationale et j’ai clôturé l’année en tête.»
Tobias prend sa retraite en 2007, après avoir notamment passé 5 saisons à Cartagena en Espagne et marqué définitivement la ville de la communauté murciane. Celui qui deviendra l’assistance de Ney Pereira entre 2013 et 2014 au sein de la sélection nationale auriverde sera également entraineur des féminines brésilienne et des moins de 20 ans à cette époque. Tobias a depuis contribué à créer plusieurs centres sociaux qui travaillent sur l’inclusion sportive et sociale de jeunes entre 8 et 17 ans, dans la région de Fortaleza. La légende du futsal dirige ce projet, et a même dû faire des études supérieures. Très reconnaissant « de pouvoir rembourser tout ce que le futsal (lui) a apporté », les étudiants qui ont quitté le projet baptisé « Manoel Tobias Futsal » sont aujourd’hui joueurs professionnels de futsal.
Manoel Tobias aura laissé une trace indélébile dans le futsal. Après près de 20 ans en période pro et un palmarès long comme un papyrus égyptien, l’ailier droit possédait des caractéristiques somme toutes assez communes du haut de ses 1,79 m. Ce que le futsal révèle, au-delà de physiques hors normes tels que l’on peut les trouver dans bien des sports, c’est d’abord la virtuosité, la beauté, la vision et le travail, sans relache. Etre futsaleur ne s’improvise pas et ne s’invente pas. De l’ordre de l’innommable, du sacré, de cette relation si spéciale au parquet, les contrôles-semelle et les rotations… La courte expérience à 11 du joueur est en la parfaite illustration. Ephémère joueur sur herbe et légende sur le parquet. A une époque dans laquelle le futsal n’est souvent vu pour n’être qu’une passerelle vers le football sur herbe, Tobias, au-delà se son palmarès, a fait bien plus que de marquer des buts. Travailleur infatigable et performances stratosphériques jusqu’au sommet du futsal mondial. Que les jeunes générations, en quête de sens, ouvrent leur conscience : Tobias a personnifié ce que le joueur de futsal doit être, à jamais : une finalité en soi. Merci Manoel. Muito Obrigado Manoel.
* Candelas (1990), Votorantim (1991), Banfort (92-93), Impacel (94), Enxuta (95), Gremio (96), Inter/Ulbra(96-97), Atletico Mineiro(98-99), Vasco de Gama (2000-01), Malwee/Jaragua(01-02), Cartagena(02-07), Ulbra(2007)
Source et inspiration: Folha de Pernambuc, LNF, CBFS, Tobias. (certains passages traduits du portugais) .