TAMANATE (Guinée): de Nantes à la CAN … la fierté des siens
MadeinFutsal est allé à la rencontre d’une figure emblématique du futsal français, l’international guinéen Mohamadou TAMANATE. Passé par Nantes C’West, Paris SO, Rennes, Laval ou Bagneux, le talentueux futsaleur originaire de Nancy a choisi de représenter son pays et celui de ses aïeux: la Guinée. Avec force, conviction, et l’occasion de porter fièrement l’étendard du Sily National Futsal à la Coupe d’Afrique des Nations 2020. De Nantes à la CAN, Mohamadou TAMANATE a accepter de se confier à MadeinFutsal.
Bonjour. Nous vous remercions de nous accorder cette interview. Pourriez-vous vous présenter ainsi que votre parcours sportif ?
Bonjour à tous. Merci pour cette interview. Je m’appelle TAMANATE Mohamadou, j’ai 26 ans, originaire de la Lorraine, plus précisement de Nancy. Je joue au futsal à un niveau national depuis 6 ans. Je suis international guinéen et j’évolue dans le club de Bagneux Futsal, en D2. J’ai joué au football à Nancy jusqu’à l’âge de 15 ans, puis j’ai déménagé dans la région nantaise. J’ai joué à Nantes de 16 ans à 19 ans, puis j’ai basculé dans le monde du futsal il y a 7 ans, en commençant à évoluer en DH, Régionale 1 et Ligue 2.
« J’ai été intéressé par le jeu rapide »
Quelles sont les raisons qui ont provoquées ce passage du foot à 11 au futsal ? Pourquoi ne pas être resté au football ?
C’est dans mon quartier de Bellevue en banlieue nantaise que j’ai commencé à jouer au futsal, dans un club qui était l’un des premiers clubs de la région nantaise à se lancer dans le futsal. Du coup, après avoir vu quelques matchs, j’ai été intéressé par le jeu rapide, la transition defensive-offensive rapide et surtout il y avait énormément de buts et de spectacle. Avec mon club, on a donc commencer à y jouer en compétition et de fil en aiguille, cela a porté ses fruits. Cela a aussi permis de mettre mon club d’alors, le Nantes C’West, sur la carte du futsal français. Je ne suis pas resté au football à 11 car j’avais une double licence lorsque j’étais au niveau régional avec Nantes C’West. Lorsque nous sommes passé au niveau national, il fallait faire un choix et vu que l’expérience était meilleure au niveau du futsal, avec une possibilité d’écrire l’Histoire avec mes coéquipiers, j’ai décidé de ne plus faire de football. D’ailleurs, j’ai même,aujourd’hui encore, des propositions de clubs de football à 11, mais cela ne m’intéresse pas.
Combien de temps es-tu resté a Nantes C’West et pour quels résultats ? Pourquoi as-tu décidé de quitter ton cocon familial et futsalistique ? Quand a été ta dernière saison à Nantes C’West ?
Je suis resté à Nantes C’West 3 ans et demi. J’ai quitté le club en décembre 2016 pour aller en région parisienne, notamment en raison de mes études. Cela m’a permis de découvrir un nouvel environnement et l’équipe de France. Le bilan à Nantes C’West a été très positif : champion régional, accession à la D2, quarts de finale de Coupe Nationale deux ans de suite, plusieurs fois meilleure attaque et meilleure défense, j’ai fini meilleur buteur de l’équipe deux années de suite. Même si le niveau n’était pas le plus haut, nous faisions peu, je pense, a pas mal d’équipes de niveau national. Notre entraineur de l’époque, Riad Karouni, qui venait de région parisienne, nous a énormément appris et nous a fait aimer le futsal.
Tu arrives donc à Paris début 2017, vers quel club te diriges-tu pour poursuivre ta carrière ?
Je suis arrivé à Paris en janvier 2017 et je n’avais qu’une seule option car j’avais déjà signé en D2 Poule Nord : j’ai signé à Paris Saint Ouen 6 mois pour les aider à se maintenir, sur les conseils de Riad Karouni.
Comment se passe alors votre collaboration avec Paris Saint Ouen (club disparu depuis) et combien de temps y restez-vous ?
La collaboration se passe bien. C’était la première fois que je jouais avec des joueurs étrangers, des portugais, des brésiliens. J’ai quitté PSO au bout de 6 mois, en raison de ma vie professionnelle, mais aussi car j’ai eu la proposition d’un autre club
Quels sont les autres clubs pour lesquels vous signez les 3 saisons suivantes ?
J’ai ensuite joué à l’Etoile Lavalloise pour une saison, puis au TA Rennes pour une saison, pour ensuite revenir en région parisienne au club de Bagneux.
« j’ai connu un début de carrière prolifique »
Vous avez connu un début de carrière prolifique et dans plusieurs clubs. Est ce qu’un statut de futsaleur professionnel aurait pu vous permettre de vous fixer plus longtemps dans un club ?
Oui, c’est sûr qu’avec un statut de futsaleur professionnel j’aurai eu plus de stabilité, surtout au haut niveau. Mais le futsal français n’est pas professionnel, on verra ce que les instances feront. Oui, j’ai connu un début de carrière prolifique et j’ai pu apporter mon expérience et ma qualité de futsaleur dans plusieurs clubs et j’en suis plutôt heureux. A l’avenir, j’espère que la France verra le futsal se développera avec des contrats fédéraux ou des contrats semi-pro pour commencer pour les futsaleurs.
Vous sentez-vous bien à Bagneux (D2)? Serez-vous chez les Tigres en 2020-2021?
Je me sens très bien chez les Tigres de Bagneux. Tout le monde m’a très bien accueilli. Mon intégration a été rendue facile car j’y connaissais déjà certains joueurs, ainsi que le président. Je ne sais pas encore si je serai à Bagneux la saison prochaine, l’avenir le dira. J’aurai pu encore donner plus, mais ma vie professionnelle et le statut amateur du futsal sont limitants.
Venons en à l’international: vous avez été sélectionné avec l’équipe nationale de Guinée pour disputer la dernière Coupe d’Afrique des Nations à Laayoune. Comment avez-vous été contacté la première fois ?
J’ai été contacté par le sélectionneur par téléphone. Il m’a expliqué son projet et m’a informé qu’il connaissait mon parcours, me montrant par la même son intérêt. Deux rassemblements ont été effectués et j’ai donc été sélectionné dans cette nouvelle équipe nationale de futsal de Guinée.
« La Guinée …bien plus qu’une fierté: un honneur«
Vous êtes né en France et y avez effectué l’essentiel de votre parcours. Y a t’il eu un débat pour vous quand au choix entre la Guinée et l’éventualité de pouvoir être appelé un jour en Équipe de France ? Avez-vous hésité ?
Je suis guinéo-français. Mes deux parents sont tous les deux guinéens. Je n’ai pas hésité une seconde. J’aurai pu peut-être un jour pu être sélectionné en équipe de France, du fait de ma binationalité, seul Dieu le sait. Mais je n’ai pas hésité un seul instant à représenter la nation, mon pays, celui des parents et celui de l’histoire de ma famille. C’était bien plus qu’une fierté : un honneur. Défendre les couleurs de mon pays était un rêve, inimaginable au départ. Pour moi, il n’y a pas de débat. Avoir des origines est une chance ainsi qu’une patrie a défendre. C’est donc ce que j’ai fait.
« Ecrire l’Histoire du futsal guinéen »
Comment se passe vos 1ers rassemblements ? Qui sont les joueurs qui composent cette 1ere sélection de Guinée de l’histoire qui ira à la CAN ?
Les premiers rassemblements se passent bien. Le premier a eu lieu à la Roche-sur-Yon face à une sélection vendéenne. Il y avait des joueurs que je connaissais, et notamment certains avec qui j’ai évolué à Nantes C’West. Le second rassemblement fut contre Nantes Métropole avec d’autres joueurs qui ont été supervisés. L’ossature de cette première équipe nationale a surtout été organisée autour de binationaux, venant de Nantes et de Vendée. Au total, le groupe de 14 joueurs comportait 10 binationaux et 4 nationaux. Notre gardien venait de Guinée, un autre était binational. Il y avait aussi un joueur du TA Rennes puis un joueur de Torcy, qui s’est malheureusement blessé.
« Beaucoup ne réalisaient pas qu’ils allaient jouer une CAN pour leur pays«
Avant d’aller à la CAN, toute la sélection se rendra à Conakry. Comment s’organise votre préparation et quel est l’ambiance ? Quels sont les attentes, pour vous, de la Fédération Guinéenne, en prévision de la CAN ?
La préparation était à la fois individuelle et collective. L’ambiance était familiale. Vraiment bien. D’autres joueurs auraient pu avoir leur place dans la sélection mais sont venus tard. L’ambiance était très saine. Beaucoup n’y croyaient pas et ne réalisaient pas qu’ils allaient jouer une CAN pour leur pays. Mes attentes étaient d’écrire l’Histoire du futsal guinéen, avec la volonté de gagner ne serait-ce qu’un match dans la compétition, pour nos débuts, et pourquoi pas de créer la surprise. Du côté de la Fédération Guinéenne, notre Président nous a demandé de ne pas avoir de regrets, de tout donner sur chaque match, d’écrire l’histoire de la section futsal de la Guinée en prenant le plus de plaisir possible. Le Président a insisté sur le fait de défendre au mieux les couleurs de la Nation.
Vous arrivez à Laayoune, après une escale à Casablanca, quels sont vos premières impressions et sentiments en arrivant sur le lieu où aura lieu la CAN ?
L’impression a été très bonne. Ce fut une surprise : journalistes, interviews, Bein Sport. J’avais déjà prévenu et sensibiliser mes jeunes coéquipiers sur l’importance de la compétition. Arrivés à Laayoune, on l’a vu tout de suite. Tout a été mis en œuvre pour que la compétition se passe du mieux possible dans les meilleures conditions. Cela a été un honneur. Arriver sur le lieu de la compétition avec le « drapeau sur le dos » a été un honneur. Les premières impressions ont été superbes.
La Guinée est dans le groupe B en compagnie de l’Égypte, de l’Angola et du Mozambique. Quel est le message délivré par l’entraîneur à l’entame de la compétition ? Quel état d’esprit et quels objectifs sportifs le staff vous transmet-il ?
Le message était de tout donner. D’aller « à la guerre ». Le discours du sélectionneur a été très motivant et poignant en nous parlant de l’histoire du pays. Ne rien regretter et se battre comme des Hommes, en ne lâchant rien, du début jusqu’à la fin. Les objectifs sportifs étaient surtout de sortir de la compétition la tête haute et d’aller le plus loin possible.
« tu ne peux que donner le meilleur de toi-même »
Premier match face à l’Égypte. Sonne le moment de l’hymne guinéen. Qu’est ce qui vous a traverse l’esprit à ce moment-là et à quoi avez-vous pensé ?
Quasiment rien au début. J’ai vraiment fait le vide dans ma tête. Avec mes coéquipiers, nous avons chanté l’hymne tous en coeur. La caméraman, vu que j’étais le dernier de la file, s’est arrêté sur moi et l’on pouvait bien me voir à la télé en train de chanter les paroles. Des frissons. C’est à ce moment là où tu repenses à ta famille, à tout ceux qui te regardent et te soutiennent. Et tu te dis que tu peux pas les décevoir, et tu ne peux que donner le meilleur de toi-même, en sortant la tête haute du match.
« Pour ma famille: honneur et fierté »
Comment votre famille, vos proches et amis ont vécu ce premier match? Ont t-ils vu le match en direct et qu’ont ils ressenti ?
Ils ont vu le match en direct. Je pense que pour mes parents, ma famille cela a été un honneur et une fierté. Cela a dû être la même chose pour tous mes coéquipiers. De la fierté et des frissons pour tout le monde.
Une défaite face à l’Égypte, puis une victoire 7 a 3 face au Mozambique, puis une dernière défaite face à l’Angola. Comment jugez-vous cette première participation de votre pays dans une compétition internationale ?
On a eu un bilan d’une victoire et de deux défaites. Face à l’Egypte notamment, le score ne reflète pas du tout le match. Cela s’est joué sur l’expérience internationale. Nous avons craqué dans les derniers instants du match, car au bout de 15 minutes de la seconde mi-temps, il y avait toujours 2 à 0 pour l’Egypte. On prend un score large derrière (ndlr : l’Egypte l’emportera 9 à 0). On réagit ensuite face au Mozambique avec une réaction de fierté. Je pense aussi que l’Angola n’a pas été plus forte que nous au final. Nous n’avons simplement pas supporté la pression. Je trouve cela dommage, même si cela est notre première compétition. Nous aurions vraiment pu aller en demi-finale. Après, encore une fois, c’est le manque d’expérience de l’équipe, voir de certains joueurs qui a manqué. De nombreuses équipes travaillent ensemble depuis de nombreuses années. C’est ce qui nous a manqué. Nous étions ensemble que depuis 15 jours. Je n’ai pas de regret. C’est une fierté d’avoir représenté le pays, même si, encore une fois, nous aurions pu mieux faire.
Quelle équipe vous a impressionnée durant cette CAN ?
Sans hésiter le Maroc. Ils avaient une régularité de tous leur joueurs. Ils avaient 14 joueurs au même niveau. Aucune faiblesse, vraiment. Ils m’ont vraiment impressionné.
Quelle suite sera donnée à cette équipe nationale de Guinée ? Ou aimeriez-vous qu’elle aille des prochaines années ?
« faire que le futsal guinéen soit mis sur la carte »
La Fédération, je pense, aimerait continuer sur cette lancée. La sélection existe. A présent, est venue l’étape de travailler avec les jeunes du pays, de construire une activité futsal en Guinée, avec l’appui des binationaux. Avec à l’avenir la possibilité de disputer à l’avenir une autre compétition continentale voire internationale si Dieu le veut. A titre personnel, l’objectif c’est que le futsal guinéen soit mis sur la carte continentale et celle du monde. Il y aura de prochains matchs amicaux contre des nations africaines et européennes, voir d’autres.
Pour en revenir à votre parcours de nouvel international, dans quel club vous verriez-vous évoluer ces prochaines saisons si vous deviez éventuellement quitter Bagneux un jour ? Quel club vous intéresserait, en France d’abord, mais aussi à l’étranger ?
Il est vrai qu’avoir le statut d’international peut changer la donne. Je n’ai personnellement pas de préférence particulière de club en France. Une nouvelle expérience à l’étranger pourrait aussi m’intéresser à l’avenir : je parle couramment anglais. Mais pour le moment, cela ne fait pas parti de mes projets prioritaires. Mais pourquoi pas. J’ai déjà eu plusieurs contacts à l’étranger et en France également. Mais je ne suis pas fixé pour le moment.
Que peut-on vous souhaiter de meilleure dans la poursuite de votre carrière ?
La santé. La santé avant tout. La réussite par le bonheur.
Avez-vous un mot particulier à adresser aux vôtres, vos coéquipiers et l’ensemble des fans qui vous suivent, ou tout autre personne ?
Merci à tout ceux qui me soutiennent avec ma famille en premier lieu. Merci à Riad Karouni qui m’a énormément donné l’envie de jouer au futsal. Merci à André Vanderlei, coach de l’Etoile Lavalloise qui m’a poussé à devenir meilleur. Ils ont été très durs avec moi (rires), mais le travail à porté ses fruits. Je remercie tous mes entraîneurs pour leur confiance, notamment Yann Marquet (Rennes TA) avec qui nous avons pu beaucoup partager sur le futsal lors de mon passage au club. Je tiens à souhaiter la réussite à tout le monde. Avec du travail, tout le monde peut y arriver.
Je remercie avec beaucoup de reconnaissance et de respect la Fédération Guinéenne de Football (President , staff , coach) de nous avoir fais confiance, et de nous avoir permis de disputer une compétition continentale, avec l’infini honneur de pouvoir défendre le pays de toute notre force. Nous continuerons dans cette optique si Dieu le veut.
Merci à madeinfutsal.com pour cette interview également et pour la promotion du futsal africain et international.
Le mot de MadeinFutsal: MadeinFutsal a eu l’immense plaisir et honneur de rencontrer ce magnifique joueur qu’est Mohamadou TAMANATE dans le cadre de cet entretien. Un parcours riche d’expériences qui force l’admiration et le respect, et un attachement à la discipline qui ne trompe pas: Tamanate est l’archétype du futsaleur que l’on aimerait avoir à ses côtés: simplicité, humilité et camaraderie. Nul doute que le joueur , désormais international, saura démontrer toute sa qualité les prochaines saisons.
L’Homme, c’est aussi un visage et une voix. Attachant. C’est l’homme qui pourrait parler de futsal, de son pays et partager pendant des heures des convictions bien affirmées. Un plaisir. Le partage et la sympathie comme marques de fabrique.
Mohamadou TAMANATE est aussi le symbole dont beaucoup peuvent être aujourd’hui fiers, à l’image des ces jeunes guinéens, algériens ou angolais qui n’ont pas choisi sportivement leur pays de naissance; des pays qui ont parfois trop souvent ignorés de tels talents. Le tout à une époque dans laquelle les égos et les rêves de gloire en aveuglent beaucoup, quitte à oublier d’où ils viennent. A une époque dans laquelle certains, assis égoïstement sur de grasses feuilles, en oublient les racines qui ont fait ce qu’ils sont aujourd’hui. Ces racines, que plantèrent jadis les parents de Mohamadou venus en France pour un avenir meilleur, ont fait poussé l’arbre dont ils peuvent être aujourd’hui fiers. Car Mohamadou TAMANATE a choisi le fier Sily National, la fière Guinée. Un point c’est tout. Non négociable. Un joueur apportant la richesse de son futsal et ses nobles valeurs, pour le plus grand bien de son pays qu’il n’a pas oublié. La Guinée peut être fière. Mohamadou TAMANATE ne le sait pas encore et se trompe peut-être, mais le pari est déjà réussi: la Guinée est désormais sur la carte du futsal. Comme gravée dans le marbre.
Mohamadou TAMANATE en aura des histoires à raconter plus tard à ses enfants: notamment celle d’avoir rendu fier tout un pays. Celle aussi d’avoir fait la fierté des siens…