ALCARAZ (France): « La 1ère fois que la France va en quart d’une Coupe du Monde…des frissons »
MadeinFutsal est allé à la rencontre du gardien de l’équipe de France de Futsal AFF, Sébastien ALCARAZ, qui a eu l’immense privilège de défendre les couleurs de la France à la dernière Coupe du Monde de Futsal AMF en 2019. Avec un exploit historique pour des amateurs: parvenir à jouer un quart de finale contre les futurs champions du monde argentins. L’occasion de s’arrêter sur l’Homme qui évolue en Ligue Nationale de Futsal AFF qui nous livre ses souvenirs et sa vision du futsal AMF dans notre pays.
Bonjour Sébastien. Pourriez-vous vous présenter en quelques mots, pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore ?
Bonjour à tous. Je m’appelle Sébastien ALCARAZ, j’ai 33 ans et je vis en région nîmoise. Je pratique le futsal depuis 9 ans. J’ai évolué pendant 7 ans à Vauvert Futsal (ndlr : Ligue Nationale de Futsal) puis 2 ans avec l’entente Vauvert-St Gilles Futsal, et je suis cette année à St Gilles. Je suis international français depuis 2014 maintenant. En dehors des parquets, je suis aussi formateur.
Comment êtes-vous devenu gardien de futsal ?
Pour répondre à cette question, je vous délivrerai une petite anecdote : avant de même de commencer le futsal, j’ai joué pendant 18 ans au foot à 11 en tant que latéral gauche mais pendant les périodes d’été avec les amis j’ai toujours aimé être gardien. Due à ma taille, il m’aurait été difficile je pense d’être gardien à 11 mais j’ai toujours aimé cela, et c’est par le biais d’un collègue qui jouait au futsal à Vauvert qui m’a encouragé à venir faire un essai. J’ai vraiment adoré et c’est donc comme cela que je suis aujourd’hui devenu gardien de futsal.
Quel est selon vous la spécificité d’un gardien de futsal par rapport aux joueurs de champ ? La folie peut être ?
Il est clair que le poste de gardien est incomparable à celui de joueur de champ. C’est vrai qu’il faut être un peu « foufou » parce que l’on peut rencontrer des joueurs qui frappent très fort et cela peut faire très mal. Le gardien de futsal doit avoir beaucoup de qualités et dans un premier lieu le mental. C’est le dernier rempart de son équipe et la moindre erreur peut se payer cash. Même si tout gardien fait des erreurs, le plus important est de rester dans son match et d’être capable de rester concentré. Il faudra aussi des qualités au niveau des appuis, des qualités de meneur d’homme qui dirige et coordonne sa défense car il voit le jeu. Sur les phases offensives, c’est le premier relanceur de son équipe. C’est donc bien un poste à part et qui demande beaucoup de qualités.
Tu es le portier de St Gilles, évoluant en Ligue Nationale de Futsal AFF. Pourrais tu présenter ce championnat AFF, affilié à l’AMF, à ceux qui ne le connaissent pas encore ?
La Ligue Nationale se décompose en 2 zones : une zone Nord et Sud. Il y a également des championnats départementaux, féminins et de jeunes, le tout sous l’égide de l’AFF, créée en 2014. C’est un championnat avec un état d’esprit, de la convivialité et qui se démarque clairement de la FFF, de part les valeurs qu’il veut véhiculer. Depuis maintenant 2 ans, il y un gros travail sur les championnats féminins et jeunes. Cette année, la ville de marguerittes devait même organiser la finale de la Ligue des Champions FEF Masculine et Féminines (ndlr : la FEF est la Fédération Européenne de Futsal, elle-même sous l’égide de l’AMF, l’Association Mondiale de Futsal).
Quels sont pour toi aujourd’hui les clubs référence en Europe puis dans le monde de ce futsal AMF ? Y a t-il des joueurs et/ou joueuses qui se démarquent et sont les figures de proue de la discipline ?
En Europe, sans doute le Dynamo de Moscou, avec un championnat russe très en avance, avec des joueurs formés dès le plus jeune âge. Dans le monde, c’est sans doute Caciques Del Quindo en Colombie. Le joueur qui se démarque et marquera de son empreinte le futsal AMF est sans hésiter Jhon Pinilla, un joueur colombien exceptionnel, qui a pris sa retraite l’an passé à la Coupe du Monde de Futsal en Argentine. Dommage que la Colombie ait été éliminée en demi-finales. Il restera le joueur phare de l’AMF.
Selon vous, que faudrait-il pour que le futsal AFF se développe plus en France ?
Il faudrait qu’il y ait plus de compétitions européennes. Avoir plus de partenaires, plus de visibilité aiderait forcément. Cela passe par l’organisation en France de gros évènements, de coupes d’Europe, voire de gros matchs amicaux entre pays. Cela passe nécessairement par de gros moyens financiers. Ensuite, avoir des résultats sur le plan européen ou mondial pour nos sélections masculines et féminines sera nécessaire. Les retransmissions de matchs sont aussi nécessaires.
Depuis sa création, l’AFF ne cesse d’évoluer et je reste convaincu que dans les années qui arrivent il y aura une plus grande visibilité pour nous. Gagner avec la France (Hommes et Femmes) ou avec les clubs sur la scène européenne permettra de faire parler du futsal AFF.
« L’AFF c’est un état d’esprit. Cela véhicule des valeurs.«
Que diriez-vous à un joueur, à un club pour qu’il rejoigne l’AFF ? Quels sont les avantages du futsal que vous pratiquez ?
L’AFF c’est un état d’esprit. Cela véhicule des valeurs. Pour un club, c’est ce qu’il y a d’important. L’AFF est géré par des personnes passionnées de futsal et cela est très important. Un club, en rejoignant l’AFF, peut aller jouer des coupes d’europe, de faire connaître sa ville, son club. Et cela est important.
Pour un joueur, j’aimerai lui dire qu’il y a une sélection nationale, qui participe à des Euros, à des Coupes du Monde. C’est accessible. Il n’y a pas de magouille. C’est totalement transparent. Pour tout joueur c’est un rêve.
Avez-vous hésité entre les différents futsal proposés aujourd’hui en France ? Pourquoi avoir choisi de pratiquer en AFF et pas ailleurs ?
Effectivement, j’ai joué dans les deux fédérations (au niveau R1 FFF pour être plus précis). J’ai choisi de pratiquer en AFF dans un premier temps au niveau des créneaux : les matchs en R1 FFF étaient en semaine ici en Occitanie, avec de très grands déplacements. Et ensuite, c’est surtout la mentalité qui ne me plaisait pas dans le championnat FFF : j’y retrouvai la mentalité du football sur le parquet, et ce n’était pas ce que je recherche dans le futsal.
En AFF, au contraire, l’état d’esprit est vraiment futsal, avec un respect et un fair-play.
Venons-en à l’équipe de France. Vous êtes le portier et capitaine de la sélection nationale ? Quand y avez-vous débuté ? Quel a été le contexte de votre arrivée ?
Je suis effectivement le portier et le capitaine de la sélection nationale. Je suis aujourd’hui le plus capé avec 24 sélections. J’ai débuté en bleu en 2014 lors des barrages pour les qualifications à la Coupe du Monde en Biélorussie, où nous avons échoué pour un seul petit but. Cela reste le moment le plus difficile d’ailleurs en bleu.
Je suis arrivé en équipe de France de futsal seulement deux ans après avoir débuté en futsal. Je ne me sentais pas en terrain inconnu puisque connaissais la plupart des joueurs évoluant en championnat national. Mon arrivée en équipe de France c’était donc très très bien passée.
Quel est ton bilan actuel avec la sélection nationale française de futsal?
Sur les 26 rencontres où j’ai été appelé, je suis à 11 défaites, 13 victoires et 2 nuls. J’ai pu allé à l’Euro en Russie jusqu’en quarts de finales (défaite face au Kazakhstan 3 à 2). idem pour la Coupe du Monde en Argentine en 2019, où j’ai pu atteindre avec les Bleus les quarts de finales, sortis par les Argentins, futurs champions du monde.
« Pouvoir représenter son pays dans la plus prestigieuse des compétitions »
Quel a été ta réaction lorsque tu as appris que vous disputeriez la Coupe du Monde de Futsal AMF en Argentine ?
Une réaction de joie et de fierté, à l’idée de pouvoir représenter son pays dans la plus prestigieuse des compétitions de futsal. Beaucoup d’excitation également.
Quel était l’état d’esprit du groupe en montant dans l’avion pour le départ ? Puis votre première émotion en foulant le sol argentin ?
Nous étions très impatients d’arriver sur le sol argentin, même si nous savions qu’un long voyage nous attendaient pour atteindre le lieu de la compétition, avec de l’avion, du train, du bus (ndlr : dans la province de Misiones, à la frontière du Paraguay, à l’extrême Nord-Est du pays). Nous étions tellement impatients que nous ne ressentions pas la fatigue. En foulant le sol argentin, nous étions stupéfaits et admiratifs. Waouw. On s’est alors dit que cette fois-ci nous y étions. Prêts pour cette Coupe du Monde, pour affronter nos adversaires et faire le meilleur des résultats.
« Entendre la Marseillaise et porter le maillot de l’Equipe de France: des frissons »
A quoi avez-vous pensé en premier lorsque la Marseillaise a retenti pour la première fois ? Aviez-vous également conscience de votre rôle d’ambassadeurs ?
Des frissons. Là c’est réel. Entendre la marseillaise et porter le maillot de l’équipe de France, c’est une fierté que j’ai pu avoir. Encore une fois, des frissons. Je suis conscient du rôle d’ambassadeurs du futsal AMF français que nous avions. La même chose que lorsque nous jouons habituellement tout match international, avec cette volonté de véhiculer les valeurs de l’Association Française de Futsal.
« A jamais gravé dans nos mémoires »
Quels ont été les résultats des matchs que la France (équipe amateur) a joué durant la compétition ?
La France a joué son premier match face à la Catalogne est s’est inclinée 3 à 1. Nous rencontrons et gagnons ensuite le Népal (3 à 2). Puis notre match contre les Etats-Unis, qualificatif pour les quarts de finales, nous réussissons à le gagner 4 à 3, dans un match épique, avec beaucoup de suspens. Pour les quarts de finales, nous perdrons 8 à 0 face à l’Argentine, dans un match, malgré le score, tout de même extraordinaire en émotions, avec une Argentine à domicile et devant son public. A jamais gravé dans nos mémoires. Le lendemain de notre quart, nous jouerons la belle équipe du Maroc pour notre match de classement, avec une défaite 8 à 0. Une équipe qui nous a été supérieure, malgré nos absents et nos blessés. Une très belle équipe du Maroc.
« Le futsal AMF comme un sport à part entière »
Avez-vous un mot à dire sur le futsal AMF en Argentine, puis de la particularité du public local ?
Le futsal AMF en Argentine est considéré sans hésitation comme un sport à part entière, où les 2 fédérations que sont la CAFS (Confederacion Argentina de Futbol Sala), dépendante de l’AMF, et l’AFA (Asociacion de Futbol Argentino), dépendant de la FIFA, cohabitent sans problèmes et vivent bien, sans animosité.
Le public local « boit, dort et mange » futsal. Des passionnés. Incroyable. Je retiendrai que ce public argentin est un public bienveillant, qui aime ce sport et très chaud, qui sait mettre l’ambiance dans le bon sens.
Avez-vous pu échanger avec d’autres pays sur la réalité du futsal AMF en France ? Avez-vous senti un décalage entre la France et les autres pays en terme de reconnaissance ?
Nous avons pas tellement échangé sur la réalité du futsal AMF. Nous avons pu tout de même échangé avec le Nepal, la Catalogne, l’Argentine, le Brésil. Le futsal AMF, dans ces pays-là, y est reconnu à sa juste valeur. Même si la FIFA peut paraître tel un rouleau compresseur dans bien des pays, on s’est aperçu dans ces pays que le futsal AMF avait bien sa place.
« La 1ère fois que la France arrivait dans un quart de finale de Coupe du Monde de futsal »
Si vous aviez une anecdote à raconter, quelle serait-elle ?
J’ai quelques anecdotes qu’on a vécu comme de véritables professionnels. Il y avait notamment le rôle de la police : présents 24/24 devant notre hôtel et cette escorte policière qui nous ouvrait la route à chacun de nos déplacements. Incroyable pour des sportifs amateurs !
« Le parquet vibrait littéralement »
Quelle est l’image qui restera gravée à jamais de cette magnifique aventure, au pays des doubles champions du monde (AMF et FIFA) ?
J’ai plusieurs images :
La première sera lors de notre qualification à la fin du match contre les Etats-Unis, et la joie indescriptible entre coéquipiers et le staff. On a pris toute la mesure de l’exploit que nous avions réalisé. La première fois que la France arrivait dans un quart de finale de Coupe du Monde de futsal. Une équipe composée d’amateurs dans les 8 meilleures équipes du monde en futsal AMF.
La seconde image c’est la ferveur du public argentine. C’est incroyable. Au moment de l’hymne argentin, à quelques minutes de débuter contre eux, 3000 personnes qui se lèvent et chantent l’hymne. Le parquet vibrait littéralement. Encore une fois, c’était incroyable.
La dernière image est le jour où nous sommes allé visiter une école, à la demande d’une professeure de français qui nous avait invité. La réception qu’on a pu avoir a été fabuleuse. Nous voyions ces enfants qui ne demandait que de l’amour. C’était très touchant. Cela restera un moment très très fort.
Quel sera l’avenir pour vous du futsal AFF en France et du développement de la sélection nationale à l’avenir ?
Cela passera impérativement, comme je le disais, par l’arrivée de nouveaux partenaires. Tout cela est en bonne voie. Nous voyons une structuration. A l’avenir, avec les gens compétents et passionnés que nous avons à l’AFF, notre développement va s’accroître dans le bon sens.
Avez-vous un message particulier à adresser ?
Oui. Aux clubs de futsal et aux joueurs qui ne sont pas encore en AFF : n’hésitez pas à rejoindre l’AFF. Il y a de grandes perspectives. Pour les plus méritants, aller jouer avec son pays. Pour les clubs, d’aller voyager et découvrir d’autres horizons. Cela n’a pas de prix.
Le mot de MadeinFutsal: l’Histoire, avec un grand H, contée par Sébastien Alcaraz, n’a rien d’une fable mais est bien réelle. Elle ne nous a pas laissé insensible. Celle d’une équipe de France de Futsal, issue d’une fédération nommée Association Française de Futsal, qui a réussie à accomplir l’impensable au niveau mondial et susciter l’admiration de beaucoup. Avec peu de moyens mais beaucoup de passion: pouvoir emmener la France au sommet de ce futsal mondial AMF, futsal méconnu dans son propre pays. Si l’adage « nul n’est prophète dans son pays », encore une autre occasion de le vérifier malheureusement. La plupart des médias français s’en sont détournés. Ils se sont détournés de la définition même du mot exploit: l’exploit de jeunes amateurs d’une « petite fédération », petite par le budget mais grande par la passion, qui a réussi à honorer la France en constituant cette belle équipe qui mériterait tant d’égards. Véritables champions, soudés par l’amitié et qui, sans les strass et les paillettes de notre époque, ont écrit dans le silence de la France mais la passion méritée des Argentins, les plus belles lettres de noblesse du futsal français.
Cet interview est la modeste contribution de notre nouveau média qui n’oublie pas d’où vient le futsal originel. Fiers de cette équipe. Fiers de son gardien « taille de poche », immense par le talent, Sébastien ALCARAZ, le fier portier d’une « petite » équipe de France de Futsal qui, depuis, a appris à marcher seul pour devenir grande … sans l’aide de personne