Murcia: entre légende et malédiction, éternel grand d’Espagne

Murcia: entre légende et malédiction, éternel grand d’Espagne

ElPozo Murcia Fútbol Sala, communément appelé ElPozo, est un club de futsal espagnol basé au Sud-Est de l’Espagne et évoluant à Murcia. Un club ? Pas tout à fait. Une légende du futsal espagnol et mondial.

Aéroport d’Alicante. Cette fois-ci, ce ne sera pas direction la « playa de San Juan » comme très souvent l’été. Bus puis direction Murcia, dans la région voisine du même nom (« la communauté autonome de Murcie« ), à 70 kilomètres au sud-ouest d’Alicante, point de passage quasi obligé en avion depuis Paris.

Albatera, Benferri, Matanzas … les vergers et les orangers défilent jusqu’à atteindre la ville de près de 500 000 habitants, septième ville d’Espagne, à cheval sur le Rio Segura, qui partage la ville d’Est en Ouest. Non, nous ne sommes pas venus à Murcia pour visiter sa cathédrale Sainte-Marie ou manger des oranges, mais pour voir jouer des charcutiers.

La cathédrale de Murcia (source: MadeinFutsal)

Los charcuteros, l’un des clubs les plus fameux d’Espagne

Les charcutiers. C’est le surnom donné (los charcuteros) à l’un des clubs les plus fameux d’Espagne et du monde. Bien loin du sobriquet de « bouchers ». ElPozo FS est tout d’abord le club de futsal d’une entreprise, d’un groupe alimentaire: ElPozo. Créé en 1935, et ayant son siège à Alhama de Murcia, l’entreprise est notamment spécialisée dans la charcuterie et exporte ses produits partout dans le monde. A Murcie, bien plus qu’une entreprise. Une institution même, avec ses garderies pour enfant et ses programmes sociaux. Une success story à l’espagnole. Plusieurs milliers de salariés et plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires plus tard, le futsal deviendra très vite l’un des portes-étendards de la marque.

L’usine d’Alhama de Murcia et ses 250 000m² de superficie. (source: ElPozo)

Une ambiance, un palais des sports

C’est à l’orée d’un match de championnat face à Palma que nous découvrirons le Palacio Municipal de Deportes, ses 7500 places et ce club atypique; l’occasion de se rendre très vite compte de la démesure d’un club très suivi dans la ville, et dans laquelle le futsal est un sport « roi », au même titre que le basket par exemple (l’UCAM Basket de Murcia y joue également). Un palais des sports face au centre commercial Carrefour Atalayas, et à 5 minutes du barrio La Fama, ouvrier et populaire. Une ambiance, des sons, des chants, des familles réunies pour l’amour d’une équipe et d’un sport. Clairement aux antipodes de quelques autres clubs ibériques, à l’atmosphère plus feutrée et retenue. Un club qui se vit aussi de l’intérieur. Un chauffeur de salle qui n’est ni plus ni moins qu’une mascotte de cochon (quelle énergie d’ailleurs!). On ne va pas se le cacher, une ambiance qui ferait hérisser les cheveux d’un chauve … ou raidir la queue en tire-bouchon … d’un cochon.

Le Palacio de Deportes de Murcia, 1h30 avant un coup d’envoi (source: MadeinFutsal)
Le ton est donné (source:MadeinFutsal)

Un palmarès, une réussite éloquenteet des légendes

Présidé par Bolarín et coaché en 2020 par le champion du monde argentin Giustozzi, le club murcian aura été créé en 1989 et sa réussite est éloquente: 5 fois champions de LNFS (1998,2006,2007,2009,2010), 4 coupes d’Espagne (1995, 2003, 2008, 2010) et 6 supercoupes, notamment. Des matchs d’anthologie, face aux éternels rivaux (le « classique » face à l’Inter FS et le « derby maximum » face aux voisins de Cartagena).

Murcia, pour les plus connaisseurs, ce sont également des noms, des légendes. Nous en retiendrons deux surtout, faute de temps. Désolé. Kike Boned d’abord.

Enrique Boned Guillot (alias « Kike Boned »), retiré des parquets depuis 2014, était ni plus ni moins que le meilleur joueur du monde et reconnu comme tel en 2009. International et capitaine avec l’équipe d’Espagne, le valencian a été 5 fois champion d’Europe et deux fois champion du monde, en 2000 puis en 2004, et près de 180 matchs au compteur. Celui qui fut surnommé « l’idole intelligente » a même eu droit à sa biographie et aura laissé une trace indélébile dans la ville. Nous nous en aperçûmes très vite, au vu des banderoles des supporters du club, de toute l’affection porté au légendaire numéro 13.

Miguelín ensuite. Comment ne pas évoquer Miguelín ? Miguel Sayago Martí, alias Miguelín, est la star actuel du club de Murcia. Blessé entre 2019 et 2020, le majorquin, à Murcia depuis 2011, fêtait sa 100ème sélection avec l’Espagne, en amical face au Brésil, en octobre 2020. Là aussi, le palmarès du capitaine et ailier des charcuteros a de quoi faire palir, lui qui aura participé à remporter les 3 dernières supercoupes du club dirigé par Serrejon (2012,2014,2016). Vif et rapide sur son aile, Miguelín aura notamment été champion d’Europe en 2012 et 2016 avec la Roja, et très en vue durant l’Euro de 2018 en Slovénie (défaite en finale face au Portugal de Ricardinho).

ELPOZO vs JAEN Miguelín (ElPozo) source: LNFS

De nombreux autres joueurs auront marqué le club: Marinovic ou encore Alejandro Yepes Balsalobre (alias Alex), l’enfant de la province de Murcie. Le n°10, adulé par les socios, et présent depuis 10 ans au club (4 supercoupes, champion en 2010), aura rejoint l’Italie en 2020…

Quand ça veut pas, ça veut pasla malédiction Barça?

Tous les ingrédients sont réunis mais le club traverse depuis une grande période de vache maigre. Pas de championnat gagné depuis 2010 et surtout une finale perdue de Ligue des Champions en 2020, face à un autre éternel rival: le Barça.

Certains médias espagnols se demandent même s’il n’existerait pas une malédiction à Murcie, tellement les Charcuteros sont souvent prêts du but et perdent en finale. Le magazine espagnol FutsalCorner.es, dans un article d’octobre 2020, ira même jusqu’à parler de syndrome de pierre de Sisyphe. En effet, les murcians « bataillent souvent avec leur pierre jusqu’en haut de la montagne« , pour échouer ensuite.

Lors de la finale de l’UEFA Champion’s League en octobre 2020, ElPozo n’avait en effet jamais autant dominé un match comme celui-ci. C’était « sa » finale. Celle de son joueur brésilien Leo Santana, auteur d’un but et… tout juste transfuge du Barça. Après avoir déjà échoué en finale en 2008 à Moscou –aux tirs aux buts– face aux russes du Viz Sinara Iekaterinburg, ElPozo ne laisserait pas passer une seconde opportunité? C’était sans compter Dyego et Aicardo, auteurs de 2 buts sporadiques durant la finale. Rageant pour les charcuteros. ElPozo, une fois de plus, échouera dans cette finale pour la première fois 100% espagnole.

Résumé de la finale 2020 de l’UEFA Champion’s League entre Barca et ElPozo (source:FIFA)

Comme l’indique à juste titre nos confrères ibériques, ElPozo Murcia aura conclu une saison 2019/2020 au cours de laquelle les murcians auront perdu leurs quatre matchs face au Barça de Lozano et consorts, dont 3 dans des matchs à enjeux pour un titre: en Super Coupe d’abord (4-3), en championnat puis une défaite en demi-finale de Coupe d’Espagne (3 à 2). Statistique implacable toujours relevée par nos confrères, le Barça aura remporté ses 12 finales (toutes!) disputées face à ElPozo. Réalité implacable.

« ElPozo, ElPozo ! Vamos campeon…! »

Cela reste du sport. Une aventure. Longue à construire et à bâtir. L’humanité l’emporte toujours. Et force est de reconnaître qu’ElPozo Futsal est un club familial, humain. C’est bien ce que nous avions ressenti en allant à Murcia en 2019. Du partage. Des sourires. Le club a des ressources: des structures, des ambitions, et un public qui vaut le détour. « La charcuterie doit être affinée pour être un délice dans la bouche », dit-on souvent. Cela prend parfois du temps. En futsal aussi. Afin d’atteindre les sommets, les joueurs devront garder à l’esprit le refrain envoûtant des supporters, joué à la trompette à chaque match, et toujours repris en coeur; refrain qui n’aura cessé de nous habiter depuis notre passage dans cette ville attachante du sud-ouest de l’Espagne: « ElPozo, ElPozo, vamos campeon !« .

Un geste anodin d’un churro tenu en main sur la place Cardinal Belluga de Murcia, juste avant de rentrer à Paris, nous revient à l’esprit: au final, cette histoire de malédiction n’est rien. « Quand c’est bon, ça se termine toujours bien » comme on dit. Cela devrait « glisser » tout seul et sans fracas, comme un bon churro de Murcia dans son chocolat…

source: MadeinFutsal

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