Après 27 ans, vers une réforme nécessaire de la « vieille » Coupe Nationale Futsal?
Après deux saisons de vache maigre covidée, la « vieille » Coupe Nationale de Futsal FFF vivra cette saison 2021-2022 sa 26ème édition. Et oui, 26ème édition! Pas aussi vieux que les « Feux de l’Amour » mais quand même! L’occasion d’entamer une modeste réflexion sur une compétition qui -a vrai dire- aurait peut-être besoin d’un dépoussiérage urgent, au risque de paraître, pour beaucoup de clubs, aussi inutile qu’ennuyeuse, voire vide de sens. Vers un lifting de la vieille Coupe Nationale ?
1994 … ah oui, quand même !
Ah l’année 1994 ! Il y a 27 ans, le Brésil remporta sa coupe du monde américaine face à l’Italie aux tirs aux buts, dont le dernier de Roberto Baggio, flirtant avec les nuages, aura à coup sûr dégommé un oiseau au dessus du Rose Bowl de Pasadena. Côté musique, mort de Kurt Cobain, un été à danser sur « Je Danse le Mia » (sorti un an plus tôt) ou « Court Plus vite que les balles » du groupe sarcellois Minister Amer…
Si les plus anciens fouillent profondément dans leur mémoire, 1994 sera aussi l’année de création de la Coupe Nationale de Futsal, vitrine du « nouveau » football en salle de la FFF. Seule compétition de football en salle de la « fédé » – bien avant le Challenge National dont la première journée eu lieu en octobre 2007 – cette compétition à vocation nationale avait pour but initial de permettre le développement de cette discipline en France, allant de pair avec les rendez-vous « foot-salle » à Bercy et « patronés » par RMC. Cette Coupe Nationale naissante, seule compétition « futsal » gérée pendant 15 ans donc du côté du boulevard de Grenelle, celui d’un « football en salle-futsal » version FIFA pour lequel la FFF aura obtenu la délégation en 1997 par le Ministère des Sports de l’époque.
Alors qu’une écrasante majorité des structures spécifiques futsal évoluaient surtout en UFOLEP/UNSS, cette nouvelle compétition accouchera d’un premier vainqueur, tombé aujourd’hui dans les oubliettes mémorielles: l’AS Saint-Priest, club de football à 11, tombeur à Villeurbanne de l’OC Le Perreux-Joinville (3-1).
Une Coupe Nationale en déficit d’image et de postérité
Qui se souvient à Saint-Priest ou à Joinville d’avoir joué la 1ère finale de l’histoire de la Coupe Nationale? Qui se souvient que l’USVO Grenoble (club de football) aura gagné les éditions de 1996 et 1997? Il est très aisé de chercher sur les sites web de la totalité des clubs spécifiques de football ayant emporté cette compétition: nulle mention de la Coupe Nationale Futsal. CS Mars Bischeim en 1999, ASF Andrézieux en 1999, le FC Mulhouse en 2004? : vous ne trouverez sans doute aucune trace de la Coupe Nationale Futsal dans les palmarès affichés officiellement par ces clubs.
Outil sans doute (très) utile pour la FFF afin de promouvoir à l’origine leur discipline, la Coupe Nationale aura à notre sens raté son développement médiatique, à commencer par les diffuseurs main-stream, nationaux ou régionaux, qui auront brillé par leur absence. La Coupe Nationale n’aura au final pas pris la valeur de toute coupe de France digne de ce nom: avoir du sens, être ancrée dans les mémoires …
Oui, le futsal est en plein développement. Mais non, 27 ans déjà. L’excuse de la jeunesse du futsal FFF ne pourra tenir. La Coupe Nationale doit « envoyer du lourd », des paillettes, de la médiatisation. Il y a bien une petite place sur une chaîne de la TNT, au moins pour la finale, juste après une course de caisse à savons ? Il faudra désormais mieux faire et réformer cette compétition, une compétition d’autant plus pas si nationale que cela…
Une Coupe pas si Nationale que ça
La Coupe Nationale n’est pas nationale, mais tout au plus métropolitaine. Quid des clubs des Antilles (Guadeloupe, Martinique), de la Guyane, de Saint-Martin, de la Réunion, de Mayotte, de Saint-Pierre? Ces clubs sont, aujourd’hui en tous cas, oubliés du grand rendez-vous annuel du futsal français. L’argument de l’éloignement peut être entendable. Mais ne pas permettre aux clubs de l’outre-mer, comme à 11, de venir se frotter aux clubs de métropole restera une bizarrerie étrange, voire une anomalie blessante, pour tous ceux qui connaitront la qualité futsalistique des clubs ultramarins, de Cayenne à Pointe-à-Pitre, en passant par Fort-de-France. La Coupe Nationale pourrait justement permettre de mieux unir le football en salle français, tout le football en salle français.
Une Coupe qui coûte
La Coupe Nationale Futsal, et c’est aussi là que le mot blesse, c’est que tout club la jouera au final « pour pas grand chose », pour aucune retombée financière, n’ayons pas peur des mots.
Les valeurs du sport (« participer, jouer, être ensemble ») auraient pu être seules mises en avant comme étant « l’essentiel » aujourd’hui. Il fallait bien cela à l’époque, et rien d’autre. Mais plus aujourd’hui. Cela ne fait plus tout. Les clubs (notamment les petits) sont aujourd’hui de plus en plus pressurisés: règlements, diplômes, re-réglements, amendes, statut entraineurs, statut des éducateurs, regroupement de régions induisant de plus grands déplacements. Tout club voulant réussir (et se pérenniser) devra être géré comme une entreprise. Et qui dit entreprise dit « bilan » et « compte de résultat » en fin d’exercice. Dépenses et recettes.
Or, participer à la Coupe Nationale Futsal peut coûter cher. Pour certains en tous cas. Des dépenses synonymes de frais de déplacements (notamment en phase régionale) , en officiels, en sécurité. Mais pas de dotations financières, sachant qu’il sera difficile pour un petit club de légitimer des entrées payantes dans son gymnase.
Hormis la gloire d’un parcours dont peu se souviendront, il pourrait n’y avoir pas trop d’intérêt au final, notamment pour les plus petits clubs. Pour les plus gros clubs, avec des championnats de D1/D2 dans lesquels même les retombées économiques n’existent toujours pas (dotations, droits télé), le constat est amer: une coupe pas synonyme de recettes.
Il faudra un sacré amour de ce sport pour vouloir jouer la « Coupe de France Futsal », parent (très) pauvre de celle sur herbe. Etre un club de D1 ou de D2 nationale, voire de R1, c’est être dans l’obligation réglementaire de la jouer. Pas le choix. Mais pour quelles retombées? Trop nombreux sont les clubs de D1, D2 et R1 qui n’auront jamais rien dit ni proposé au final, laissant peut-être libre court à la fédération de penser que tout roule comme sur des roulettes? La Fédé ne peut pas tout non plus.
En comparaison avec le football en herbe, il n’y a pas photo, comme le présentait en juin dernier le site Footamateur. Dans certaines régions, un 4ème ou 5ème tour « futsal » équivaudra tout de même à des finales régionales. Après 27 ans d’existence, il faudra franchir un palier et proposer mieux aux petits clubs ayant fait un bon parcours, pour qu’ils puissent améliorer un quotidien de plus en plus exigeant, grâce à une bouffée d’air offerte par la Coupe Nationale « dotée de dotations ».
Côté fédération, dont les ressources 2019-2020 pointaient à près de 234,7 millions d’euros, n’y aurait t-il pas moyen de faire plus pour les petits clubs allant en Coupe Nationale Futsal et passant brillamment quelques tours? Lorsque l’on voit que les partenariats représentent près de 109,2 millions d’euros, on se demande encore pourquoi ces partenariats ne profiteraient pas (aussi) aux clubs de futsal, dans la coupe nationale phare de la discipline .
S’il n’y a rien à redire des 13,2 milliards d’euros alloués à la Coupe de France (sur herbe), de nombreux clubs pourront tout de même se demander pourquoi ils n’ont même pas le droit à une dotation en jeu de maillots estampillés « Coupe Nationale Futsal ». Une coupe nationale doit aussi avoir du sens. 27 ans tout de même… Ne pas avoir de jeux de maillots ou de patchs « Coupe Nationale » sur les manches, c’est quand même la loose non?
Une coupe pour les clubs de football?
La quête de sens est au centre de tout. Fierté, esprit de corps, se sentir faire partie de la grande famille du futsal FFF. Pour de nombreux clubs « futsal », une vraie fierté de participer chaque saison à la Coupe Nationale. Une compétition attendue même. Or, la Coupe Nationale pourra paraître pour de nombreux puristes comme une coupe au rabais, ne servant même pour certains que comme un outil marketing pour attirer des clubs à 11, qui, au final, n’engagerons jamais une équipe dans un quelconque championnat de foot-salle de district.
En effet, dans la « grande famille du football », un club de futsal spécifique ne pourra pas participer à la Coupe de France sur herbe (qui permettrait d’avoir de potentielles dotations … et des maillots!). Alors que dans le même temps, toute équipe de football n’ayant aucune équipe ou activité futsal pour inscrire une équipe … en Coupe Nationale Futsal.
Pourquoi ne pas laisser la Coupe Nationale Futsal rien qu’aux clubs ayant au moins une équipe en championnat futsal?
Avoir du sens, c’est aussi en cela que la Coupe Nationale Futsal devra tendre, au risque d’être perçue de plus en plus par les clubs spécifiques comme une « coupe nationale de clubs à 11 voulant s’essayer au futsal ». Si le fait d’accepter des clubs uniquement à 11 relève de positions idéologiques pouvant être débattues (à bien des égards qui s’entendait parfaitement) , l’idée de disputer un match face à des joueurs ne jouent pas au futsal au quotidien ou ne maitrisant nullement les règles de la discipline laissent toujours perplexe sur le sens et la valeur donnée à une coupe nationale … de futsal. La phase de promotion du futsal destinée aux clubs à 11 via cette coupe, au vu des résultats, n’a t-elle que trop durée ?
Et puis, pour les clubs de foot à 11 voulant s’essayer au futsal, restera toujours la Copa Coca-Cola (10 000 euros par club vainqueur quand même!) …
Une coupe pour ne pas aller plus loin
Pas de grande exposition médiatique, télévisée notamment. Pas de dotations financières . Il faudra patienter, mais une coupe nationale devra aussi dans l’avenir permettre d’aller plus loin sportivement. Oui, le futsal français est pour l’instant amateur. Il n’y a qu’une seule coupe européenne (Champions League) . Remporter la Coupe Nationale devrait permettre d’aller plus loin sportivement. Une coupe d’Europe des vainqueurs de coupes, même avec quelques pays pour commencer. Ce serait beau d’y voir un jour un club de R1 ou D2. Ce n’est pas pour maintenant bien sûr. Mais n’a t-on pas le droit de rêver?
Et donc?
27 ans. La Coupe Nationale telle qu’elle existe a, à notre sens, fait son temps. Même si elle aura su évoluer dans le bon sens durant toutes ces années via les efforts positifs des instances, elle devra passer un autre cap. Pas très ragoutante en réalité pour certains clubs qui iront aujourd’hui la jouer à reculons. Il est nécessaire de faire évoluer une coupe de plus en plus inadaptée aux exigences et aux défis des clubs d’aujourd’hui: ouverture géographique, médiatisation, naming, dotation, gain sportif et retombées économiques. Pour ces clubs, et notamment les plus modestes, faudra-il absolument aller jouer une coupe qui coûte, coûte que coûte? Bien au contraire, celle-ci pourra être (encore plus) une formidable vitrine, à condition de vouloir lui faire passer un palier. Car les clubs, dans le même temps, auront dû évoluer, entraînant de nouveaux besoins et des contraintes qu’ils devront plus que jamais assumer. Large chantier. Tout n’est pas négatif, loin de là. Mais dépoussiérage urgent demandé. On l’aime bien quand même la Coupe Nationale.
Les vainqueurs de la Coupe Nationale:
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