Communiqué des clubs de D1: La FFF « abandonne » t-elle ses clubs?

Communiqué des clubs de D1: La FFF « abandonne » t-elle ses clubs?

C’est le 24 février 2021 qu’aura eu lieu un « tir groupé » par l’ensemble des clubs de D1, au travers d’un communiqué officiel dénonçant « l’abandon » de ces mêmes clubs de D1 par la Fédération Française de Football. Un communiqué immédiatement suivie d’une belle polémique sur l’ensemble des réseaux, comme la France en a le secret. Un communiqué suivi d’une salve de réponses, clairement hostiles, à l’opposé des effets escomptés par un tel communiqué. Avec au final un malaise dans ce monde du football en salle, bien palpable celui-ci.

« LA FFF ABANDONNE LE FUTSAL »

Changement d’époque et de paradigme. Mais que pouvait cacher l’annonce d’un communiqué officiel de l’ensemble des clubs de D1, dévoilée au début de l’après-midi du 24 février 2021, au travers de l’ensemble des canaux de communication de tous les clubs de l’élite du football en salle français? Une diffusion prévue en fin de journée, allant même jusqu’à nécessiter le décalage (d’une heure) de la toute nouvelle et (superbe) émission « Futsal Club » désormais présentée par Y.Djouder en live. Mystère.

Les observateurs étaient effectivement plutôt habitués ces dernières années à des joutes opposant les clubs hors du terrain: réserves, oppositions « disciplinaires » et parfois coup-bas, dans l’ombre. Si ce constat pourrait paraître dur à beaucoup, il n’en demeure pas moins que c’est sentiment d’immaturité qui prévalait pour beaucoup d’observations. Nous n’avions pas besoin de ça. Nous n’avons pas besoin de ça. Sauf que ce 24 février 2021, tous les clubs, sans exception, auront participé à ce communiqué, qui, une fois dévoilé, annonçait un message clair et percutant, directement envoyée à l’instance dirigeante du football en salle français: « la FFF abandonne la D1 FUTSAL ». La couleur est annoncée. Un message commun porté par tous les présidents de tous les clubs de D1. Historique.

Mais de quoi s’agit-il exactement ? Pour rester très factuel, le communiqué (ci-dessous), qui réunit les 12 Présidents de futsal de la D1, « font part de de leur indignation devant le peu de considération portée par la Fédération Française de Football (FFF) ». Alors que la D1 aura été, au même titre que la L1, L2, le National ou la D1 Arkéma (féminines), reconnu comme sport de haut niveau (= poursuite du championnat avec dérogation au couvre-feu), les clubs de D1 insistent dans ce communiqué sur le fait que « la crise (…) que traverse notre pays n’est pas sans conséquences » sur ces mêmes clubs.

L’objet principal du communiqué est que ces mêmes clubs auraient interpellés « à plusieurs reprises » le Président de la FFF afin de « pouvoir être traités comme leurs homologues évoluant au sein des championnats de Ligue 1, Ligue 2, National et de D1 Arkema« . C’est à dire avec la même considération que les autres membres de la « famille football ». Comme un sport de haut de niveau.

Parmi les principales revendications des clubs de l’élite: la mobilisation d’un « fonds de solidarité en faveur des clubs de football évoluant dans les championnats fédéraux« , « l’évolution de la licence club », l' »alignement des indemnités de déplacement au même niveau qu’en football », l’« association de la D1 Futsal à un partenaire » afin « de les soutenir dans la location de plus grandes salles », ou le fait d’« inclure les clubs de futsal pour faire évoluer les textes » et « inclure les clubs de futsal comme représentants des clubs participants aux championnats nationaux séniors ».

Le communiqué insiste sur le « sentiment d’abandon » provoqué par l’absence « d’attention » et de réponses du Président de la FFF, ainsi que par « le silence assourdissant de la Ligue de Football Amateur » qui n’auraient pas tenus leur promesse en matière « d’accompagnement dans leurs recherches d’éventuelles aides complémentaires », la discipline ne « bénéfici(ant) pas des mêmes attentions de la part des instances nationales ».

Le communiqué termine en évoquant le dernier Comex de la FFF du 18 Février 2021, qui aurait « acté qu’aucune aide ne serait octroyé aux clubs de futsal sur le fond de solidarité (…) à hauteur de 500 000 Euros (…) contrairement aux féminines et au National », alors que les clubs de D1 auraient « consentis de gros efforts financiers pour être conformes à la DNCG ». La conclusion viendra comme un avertissement via à vis de la FFF, les présidents des 12 clubs « s’autorisant, au cours des prochaines semaines, à tous types d’actions susceptibles de faire évoluer cette situation intolérable ». Les clubs de D1 veulent clairement se faire entendre et peser dans les décisions. Ira t-on vers une réunion, une concertation qui résoudra tout, ou vers un bras de force, une grêve ? Mystère et boule de gomme…

PAS DE REPONSE OFFICIELLE DE LA FFF … MAIS DES RESEAUX SOCIAUX …

Si à l’heure d’écriture de cet article MadeInFutsal ne sait rien sur le ressenti officiel d’un tel communiqué par la FFF, il n’en est pas de même concernant le ressentiment … sur les réseaux « a-sociaux« . Un ressentiment immédiat. Certes pas généralisé, mais bien visible.

Petit florilège des réactions lues ça et là: « égoïsme grandissant de certains clubs de D1 », « communiqué ressemblant à un aveu de faiblesse », « le futsal français de ne résume pas qu’à 12 clubs », « erreur en voulant partir seuls », « purement égoïste concernant uniquement la D1 », « l’élite s’en tape de nous petits clubs », « appât du gain »

Ce ressentiment général proviendra surtout d’un panel d’abonnés présents sur les principales pages d’actualité spécialisées (france-futsal notamment), par voie de communiqué officiel de certains clubs de France, et parfois même de clubs historiques. Sans doute pas la forme de retour escomptée par les clubs de D1, n’ayant voulu que rendre publiques leurs revendications …

UN COMMUNIQUE MALADROIT POUR CERTAINS …

On n’en fera pas mystère: ce communiqué nous a immédiatement interpellé dès sa première lecture. Force est d’avouer que les mots « argent » ou les revendications financières exprimés par des clubs de l’élite pourraient légitimement en froisser plus d’un. Parler d’argent se révèlerait indigne voir déplacé alors que d’autres clubs ne joueraient pas? Serait-ce tout le contraire de la solidarité attendue par l’ensemble des clubs de France?

Il faut rappeler le contexte: en cette fin février 2021, cela fait, jour pour jour, près d’un an que la plupart des clubs de football en salle (mais pas seulement) n’auront pas joué de compétitions officielles, notamment au niveau régional et départemental (sans oublier la D2). Une passion parfois sacrifiée, du désespoir même, invisible ou ignorée par beaucoup, alors que la distanciation sociale n’est ni la règle dans les centres commerciaux ou en bord de Seine par temps ensoleillé. On ne le dira jamais assez: bénévoles, dirigeants, joueurs; il y a de la souffrance. Et les rediffusions de match en direct sur YouTube ne font qu’atténuer, pour un temps, ce ras-le-bol général. De très nombreux clubs de football en salle, sur l’ensemble du territoire, n’ont ainsi aucun interlocuteur quotidien, aucun signe de vie des instances, aucun soutien moral.

On ne parlera même pas de la défiance via à vis des instances (actuellement en pleine période d’élections) et plus généralement de la défiance dans notre pays, celle face aux « nantis ». Le ressentiment sur les réseaux sociaux, bien que subjectif, n’est pas à condamner aussi sévèrement, il doit au moins être compris. Car c’est le contexte actuel qui veut (aussi) cela. Oui, le communiqué des clubs de D1 peut en heurter certains et aura pu paraître maladroit. Mais ceux qui connaissent le football en salle savent que cette polémique ne peut pas être aussi réductrice et simpliste…

… MAIS PAS SUJET A POLEMIQUE

Cependant, une lecture (sans à priori) de ce communiqué des clubs de D1 devrait faire réfléchir. Il n’y a vraiment pas plus « à s’exciter » que cela, quitte à faire plusieurs mécontents.

Il n’y a pas à accabler des clubs de D1 sur le fait qu’ils puissent jouer chaque week-end, au contraire de la grande majorité des clubs. Sauf preuve du contraire, les clubs de l’élite ne sont ni le Ministère des Sports, ni la FFF, ni le Conseil de Santé. Ils ne sont pas non plus des nantis, même si en D1, loin de là. Les clubs de football en salle restent des associations. On leur a cependant intimé (ou permis) de jouer en championnat: ils jouent. Ils ne sont pas les responsables de la détresse des clubs qui ne jouent pas. Ils jouent. A t-on vu des clubs de district sur herbe torpiller officiellement le club de Ligue 1 du coin? Sérieusement? Fin de l’histoire.

Et tant mieux pour nous que la D1 Futsal puisse jouer, vaut toujours mieux une oasis dans le désert qu’un désert complet. Car ce monde serait bien triste sans un derby Toulouse Metropole/UJS ou sans la course poursuite actuelle entre Mouvaux et ACCS. Il n’y a pas à en vouloir aux clubs de D1 de jouer. C’est du haut-niveau. N’est-ce pas cela que tout le monde appelait il y a peu de ses voeux? Dans l’attente que la D2 le soit aussi, il faut s’en contenter et agir pour avancer.

Passé cet aspect, il faudra bien aborder la forme. Quoi de plus normal, au-delà des revendications exprimées, que des clubs de D1, qui ont leurs propres enjeux et problématiques au quotidien, puissent s’exprimer, avec des revendications qui leur sont propres ? Ils le font via un communiqué issu de leur union, avec leur propre ressenti et leurs propres mots. What else ?

Sur le fond, il y a clairement des points qui n’intéresseront pas les clubs en dehors de la D1 et de la D2, totalement en dehors de leur préoccupation quotidienne. Le club évoluant dans le district du Morbihan ou des Ardennes n’en aura que faire des frais de déplacement ou du fonds de solidarité. Cela parait effectivement déplacé pour beaucoup, surtout en cette période de disette sportive. Oui, certes.

Cependant, les clubs de D1 auront continuer à jouer, sans billeterie, sans buvette, avec une offre de transport chamboulé (prix, horaire) et selon eux, « un traitement différent » entre les « familles du football« . On ne parlera pas de droits télé que possèdent les clubs à 11 ou le naming de compétition, ce serait indécent.

Ce communiqué, rendu public, porte d’abord à l’attention de tous des revendications de clubs de D1 à l’encontre de leur fédération de tutelle, suite à des décisions qui « auraient été prises lors d’un Comex » ou suite à « l’absence de réponse » suite à l’envoi de « plusieurs courriers« . S’ils s’estiment lésés, ils ont le droit de s’exprimer. Comme il ne viendrait pas à l’idée de clubs régionaux d’être « au même niveau » que des clubs de Ligue 1. Si une formulation plus claire de soutien à l’encontre des clubs hors D1 aurait été bienvenue et appréciée, il n’y a, à notre sens, pas de quoi « fouetter un chat« . Il faudrait 18 pages pour lister tous les changements que voudraient tous les clubs régionaux ou départementaux (avec des problèmes qui leur sont propres).

Les clubs de D1 ont leurs revendications propres vis à vis de leur instance et avaient sans doute voulu s’exprimer selon un calendrier précis (?), avec un résumé clair de leur demande. Une relation bipartite qui n’implique que les clubs signataires et leur instance de tutelle. Pas les autres clubs. Fin de la polémique. Pas de quoi, encore une fois, d’attiser le ressentiment et de fouetter un gros matou.

Sans vouloir prendre parti sur les motivations réelles des uns et des autres, le fait de voir dans ce communiqué les clubs de D1 exprimer leur préoccupation d’« inclure les représentants des clubs futsal dans les procédures d’évolution des textes et règlements » (« être associés systématiquement à toute modification règlementaire ») n’est-il pas une preuve suffisante pour montrer que tout n’est pas blanc ou noir, et que ces derniers ne penseraient au final pas qu’à eux? (en tous cas on l’espère). Est-ce que ce communiqué n’est-il pas « juste qu’un » communiqué de clubs de D1, parlant en leur nom, confrontés à des problèmes spécifiques à un moment donné ? Un communiqué qui n’omet tout de même pas – au passage – d’aborder la question des règlements, préoccupation essentielle de l’ensemble des clubs -quelque soit le niveau considéré – qui souhaitent que ce sport aille enfin de l’avant ?

Oui, ce communiqué pourra paraître à certains maladroits. Mais mérite t-il des mots aussi durs sur les réseaux? Nous ne le pensons pas.

LES CLUBS N’ONT QU’A S’EN PRENDRE A EUX-MEMES

Nous ne mâcherons pas nos mots. Qui (quel club) s’est offusqué publiquement et par communiqué officiel du non-respect de l’éthique dans notre discipline (promotions express de clubs issus du foot à 11 etc.)? Qui a réellement assisté à toutes les réunions de son District ou de sa Ligue, en entamant des actions concrètes, sur le terrain; ou faisant des voeux règlementaires pour que la discipline évolue? On a beau en vouloir aux instances ou au monde entier pour la gestion actuelle de la discipline ( certes imparfaite). Mais qui, hormis quelques clubs, souvent éloignés des centres de décision, aura porté fièrement (et publiquement) ses idées ?

Le militantisme (vertueux) est dans l’action. Une introspection et une remise en cause de chacun reste essentielle.

Reforme du statut de l’arbitrage, préformation, règles de montée en D2, Assemblées Générales spécifiques futsal, création d’une union des clubs pour développer (aussi) le football en salle (un jour peut-être)?

La faute est celle de tous ces clubs qui ne réfléchissent au final pas ensemble, et qui continuent de nourrir publiquement des débats aussi futiles que stériles, quelque maladresse qu’il pourrait y avoir ou pas de certains communiqués (encore faut-il qu’il y ait maladresse). Le temps est aussi à l’union positive, non plus à l’immaturité. Tous les clubs, tous les acteurs sont responsables de ce que sera le football en salle dans 10 ans, dans 20 ans.

Dur de le dire, mais beaucoup de nos clubs sont coupables d’avoir parfois, par leur silence, accepté l’inacceptable. Fautifs d’avoir trop longtemps refusé de prendre leur droit inaliénable à la parole, à la proposition et à la réaction, par des propositions et actions concrètes. Afin que ce football en salle français puisse enfin avancer. Cela devra nécessairement changer. Puissent les décisions pour l’avenir de la discipline être aussi … celles des clubs qui devront sans doute être unis. L’essor d’une discipline, cela doit aussi être un peu de tout: des instances, de la passion, de la concertation, des propositions, du dialogue … mais aussi des clubs. Des clubs devant être solidaires et qui ne devront pas « s’abandonner les uns les autres ». La désunion (publique) ne devrait plus être la règle, au risque d’entrainer la perte définitive de l’objectif auquel les clubs aspirent logiquement: celui d’être (et de rester) les acteurs de leur propre avenir.

La France du football en salle en sortira grandit. Elle arrivera à atteindre les sommets. Elle le mérite.

« Mon Dieu, ceux-là, bien sûr, sont de fort mauvais pauvres,
Ils sont mal éduqués, ils se battent entre eux,
Lorsque j’en aperçois, je prends peur, je me sauve.
Qu’ils soient dans la misère, ces monstres-là, tant mieux !
 »

Poème « Les Pauvres » (extrait). B.DIMEY